Ame étouffa un soupir et ses yeux cachés par les multiples ombres de ses voiles chassèrent les larmes de fatigue apparues ; il lui tardait de prendre du repos… Son voyage avait pris fin et ses membres encore douloureux semblaient quérir à chaque instant le confort d’un lit. Qu’elle aille rapidement saluer Mephisto et cela sera envisageable. En attendant, il lui fallait faire un bref détour afin de se réapprovisionner en millepertuis et en baume de lavande : tout son stock médicinal avait subi un affrontement et son évident lot de plaies…
Après s’être éloignée de cette usine désaffectée où d’étranges rencontres eurent lieu, Ame quitta peu à peu le béton et le brouhaha de la ville pour un calme quasi campagnard d’une douce vallée forestière. Elle percevait ci et là la vie animale mais Miu se chargeait de toutes manière de la prévenir de rencontres importunes. Aussi son chemin avait-il l’air d’une promenade, d’une balade, si l’on omettait l’incongruité de voir une femme vêtue aussi étrangement dans une forêt… Bah cela lui importait peu.

Au terme d’une dizaine de minutes de marche, Miu lui renvoya l’image d’un petit cabanon perché sur le versant d’une colline : la pharmacie. Cela faisait bien longtemps qu’elle n’y était retournée… Depuis quoi ? Presque cinq ans ? Elle secoua la tête. Un peu moins sans doute. Mais autant d’années que ses pieds n’avaient foulé l’Académie, quand autrefois elle était encore étudiante. Et maintenant, elle revenait avec en fardeau un statut non négligeable bien qu’elle s’en serait bien passé ; à tous les coups, on l’obligerait à dispenser quelques cours aux têtes de l’Académie vu qu’aucune affaire ne méritait actuellement son attention.
Enfin il serait tant d’y songer plus tard.

Elle déplora la distance qui la séparait encore de la pharmacie aussi sa fatigue la poussa à invoquer Amane le temps d’arriver. Ce fut donc à dos d’un loup éthéré pourvu de bois de cerfs que la Saint Paladin gagna la Pharmacie, devant une propriétaire bien peu impressionnée.

« Bonjour madame. J’aimerai quérir quelques baumes dont un à base de lavande, ainsi qu’une poignée de millepertuis si vous en avez. »

La dévisageant avec un sourire chaleureux derrière les rides de l’âge, elle répondit à Ame avec douceur :

« Cela faisait bien longtemps, Ame. Tu as tant changé depuis, mais tu es toujours la même au fond… J’espère que tu resteras parmi nous un moment ! Bon, je vais préparer ta commande, patiente un moment : il faut que je refasse de ce baume. Mets-toi donc à ton aise comme tu savais si bien le faire !
- Merci. »

Obéissant à l’incitation, Ame alla s’assoir au dehors, sur un banc de bois solitaire. Il faisait un temps humide, ce qui avait toujours l’étrangeté de la faire se sentir bien ; son prénom n’avait pas été volé.
Elle vit grâce à Miu, durant son attente, un homme soigné et de prestance passer, vite suivit d’une plus jeune silhouette à l’amas chevelu dense. Exorcistes hum… Peut-être de futurs collègues…

Soudain son attention se tourna vers la direction opposée, soit vers la forêt s’étendant entre la Pharmacie et l’Académie. Hibiki s’agitait. Quelque chose… Quelque chose se tramait non loin. Ame fronça ses sourcils invisibles : pour que son familier réagisse ainsi, il devait y avoir une menace certaine. Et pourtant. Elle ne sentait ni la présence d’un démon puissant, ni celle de monstres. Qu’était-ce donc ?
Par précaution, elle envoya un exemplaire de Chisame aller s’informer aux cotés d’Hibiki, tandis qu’elle-même gagnait l’intérieur de la Pharmacie.

Les deux exorcistes vus précédemment paraissaient discuter ensemble ; la propriétaire, elle, mettait divers produits dans un sac en papier. Ame débarqua donc d’un pas calme et assuré avant d’annoncer :

« Préparez-vous, quelque chose vient. Ce n’est pas une certitude mais je vous le confirmerai dans un bref délai… (Elle leva légèrement la tête puis opina) Je me disais aussi. Il y a toute une horde de Ghouls en approche. »

Pas étonnant qu’elle ne puisse les sentir venir : ces monstres étaient trop peu puissants pour dégager une force alarmante et ne constituaient pas vraiment une menace. Mais ainsi regroupés… Il y avait quoi ? Une trentaine de têtes au bas mot ? L’affrontement risquait de s’éterniser si elle s’en occupait seule – Ame ne souhaitait gaspiller la force de Chisame pour de petites chimères. Aussi se tourna-t-elle vers les deux confrères exorcistes.

« Je suis Ame Lennart, exorciste. Pourriez-vous m’aider à les combattre ? On ne peut pas laisser se promener en liberté tant de Ghouls même si le coin et l’Académie sont protégés : ils gagneraient rapidement la ville une fois en mis en déroute par les barrières magiques… »

Elle guetta leur réponse tout en invoquant Amane au-dehors.